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Page:Gautier - Souvenirs de théâtre d’art et de critique.djvu/52

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de réflexions fines et caustiques sur les choses du monde et à la connaissance parfaite des hommes qui éclate à chaque page. Ses idées sur le théâtre sont d’une singularité et d’une justesse remarquables, et prouvent une grande habitude de la matière ; personne n’a parlé comme lui de la musique avec science et enthousiasme ; ses caractères de musiciens sont des chefs-d’œuvre de naturel et d’originalité ; lui seul, musicien lui-même, pouvait dépeindre si comiquement les souffrances musicales du maître de chapelle Kreisler, car il a un excellent instinct de comédie, et les tribulations de ses héros naïfs provoquent le rire le plus franc. Nous insistons longtemps sur tous ces côtés humains et ordinaires du talent d’Hoffmann, parce qu’il a malheureusement fait école, et que des imitateurs sans esprit, des imitateurs enfin, ont cru qu’il suffisait d’entasser absurdités sur absurdités et d’écrire au hasard les rêves d’une imagination surexcitée, pour être un conteur fantastique et original ; mais il faut dans la fantaisie la plus folle et la plus déréglée une apparence de raison, un prétexte quelconque, un plan, des caractères et une conduite, sans quoi l’œuvre ne sera qu’un plat verbiage, et les imaginations les plus baroques ne causeront même pas de surprise. — Rien n’est si difficile que de réussir dans un genre où tout est permis, car le lecteur reprend en exigence tout ce qu’il vous accorde en liberté, et ce n’est pas une gloire médiocre pour Hoffmann d’y avoir obtenu un pareil succès avec des lecteurs si peu disposés pour entendre des légendes merveilleuses.

Hoffmann ne s’est pas, il faut le dire, présente en France avec sa redingote allemande toute chamarrée de brandebourgs et galonnée sur toutes les coutures, comme un sauvage d’outre-Rhin ; avant de