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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/118

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de la grande ville, un large espace vague et libre, de l’air, du ciel, du soleil et de la verdure. N’est-il pas désagréable de sentir trop près de soi d’autres existences, des passions, des vices, des malheurs, et la délicate pudeur de l’âme n’est-elle pas un peu froissée par ce voisinage immédiat ? Aussi éprouvai-je une vrai joie en regardant à travers mes fenêtres cette oasis de fraîcheur, de silence et de solitude. On était au mois d’août, car j’avais fini ma dernière année scolaire au couvent, et le feuillage conservait encore toute l’intensité de sa verdure, mais avec le ton plus chaud cependant que donne à la végétation le passage de l’été. Au milieu du parterre qui se dessinait sous mes croisées, un massif de géraniums en pleine floraison éblouissait les yeux de son feu d’artifice écarlate ; le gazon qui entourait cette corbeille de fleurs, tapis de velours vert en raygrass d’Angleterre, faisait valoir par sa nuance d’émeraude ce rouge plus ardent que le feu. Dans l’allée de sable fin, moirée comme un ruban avec les dents du râteau, les oiseaux sautillaient en toute confiance et avaient l’air d’être chez eux. Je me promis bien de m’associer à leurs promenades sans les faire envoler.

Ma chambre était tendue de cachemire blanc divisé par des câbles de soie bleue. C’était aussi la couleur des meubles et des rideaux. Dans mon petit salon décoré de la même manière, un