Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/150

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sissable : cette fois il ne pourra l’échapper ; quand nous serons assis à la même table, peut-être à côté l’un de l’autre, éclairés par cinquante bougies, quelque distrait qu’il soit, il faudra bien qu’il m’aperçoive… à moins cependant qu’il n’y ait entre nous une corbeille de fleurs ou une pièce du surtout qui me masque. »

Les jours qui me séparaient encore du bienheureux samedi me parurent d’une incommensurable durée, aussi longs que les heures de classe du couvent. Ils se passèrent enfin, et nous arrivâmes tous les trois, mon père, ma mère et moi, chez M. de L…, une demi-heure à peu près avant l’heure du repas. Les invités disséminés dans le salon formaient des groupes de causeries, allaient et venaient, regardaient les tableaux, ouvraient les brochures jetées sur la table ou disaient des nouvelles de théâtre à quelques femmes assises sur un divan près de la maîtresse de la maison. Parmi eux se trouvaient deux ou trois écrivains illustres que mon père me nomma et dont la physionomie ne me parut pas en rapport avec le caractère de leur œuvre. Vous n’étiez pas encore arrivé, les convives étaient au complet, et M. de L… commençait à se plaindre de votre inexactitude, lorsqu’un grand laquais entra apportant sur un plateau d’argent où se trouvait un crayon pour signer et constater l’heure, un télégramme de votre part venant de Chantilly et contenant ces