Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/16

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millionnaire dont il devait hériter. Position admirable ! Cependant Guy ne s’était pas marié ; il se contentait de faire un signe de tête approbateur aux sonates que les jeunes personnes exécutaient en sa présence ; il les reconduisait poliment à leur place après la contredanse, mais son entretien avec elles pendant les repos des figures se bornait à des phrases du genre de celle-ci : « Il fait bien chaud dans ce salon » ; aphorisme d’où il était impossible de déduire la moindre espérance matrimoniale. Ce n’était pas que Guy de Malivert manquât d’esprit ; il aurait trouvé aisément à dire quelque chose de moins banal s’il n’eût craint de s’empêtrer dans ces toiles ourdies de fils plus ténus que des fils d’araignée, tendues dans le monde autour des vierges nubiles dont la dot n’est pas considérable.

Lorsqu’il se voyait trop bien accueilli dans une maison, il cessait d’y aller, ou il partait pour un grand voyage, et à son retour il avait la satisfaction de se voir parfaitement oublié. On dira peut-être que Guy, comme beaucoup de jeunes gens d’aujourd’hui, trouvait dans le demi-monde de passagères unions morganatiques qui le dispensaient d’un mariage sérieux. Il n’en était rien. Sans être plus rigoriste que ne le comportait son âge, Malivert n’aimait pas ces beautés plâtrées, coiffées comme des caniches et ballonnées de crinolines extravagantes. Pure affaire de goût. Il