Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/166

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naient dans les couloirs, oubliant parfois ce pas de fantôme que recommande la règle, car c’est un grand événement qu’une prise d’habit. Une nouvelle brebis va se joindre au troupeau et tout le bercail s’émeut. La toilette mondaine dont la novice se revêt pour la dernière fois est un sujet de curiosité, de joie et d’étonnement. On admire avec une sorte de crainte ce satin, ces dentelles, ces perles, ces joyaux destinés à représenter les pompes de Satan. Ainsi parée, je fus conduite au chœur. La supérieure et ses assistantes étaient à leurs places, et dans leurs stalles les religieuses inclinées priaient. Je prononçai les paroles sacramentelles qui me séparaient à jamais des vivants, et, comme le rituel de la cérémonie l’exige, je repoussai du pied le riche carreau de velours sur lequel, à de certains moments, j’avais dû m’agenouiller ; j’arrachai mon collier et mes bracelets, et je me défis de mes parures en signe de renoncement à la vanité et au luxe. J’abjurai la coquetterie de la femme, et cela ne me fut pas difficile, puisque je n’avais pas le droit de vous plaire et d’être belle pour vous.

Puis vint la scène la plus redoutée et la plus lugubre de ce drame religieux : le moment où l’on coupe les cheveux à la nouvelle sœur, vanité désormais inutile. Cela rappelle la toilette du condamné. Seulement la victime est innocente ou tout au moins purifiée par le repentir. Quoique