Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/200

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de la sphère terrestre. Il voulait marcher et se sentait soulever. Un irrésistible désir le consumait. Les apparitions de Spirite ne lui suffisaient plus, et son âme s’élançait après elle lorsqu’elle disparaissait, comme si elle eût essayé de se détacher de son corps.

Un amour excité par l’impossible et où brûlait encore quelque chose de la flamme terrestre le dévorait et s’attachait à sa chair comme à la peau d’Hercule la tunique empoisonnée de dessus. Dans ce rapide contact avec l’Esprit, il n’avait pu dépouiller complètement le vieil homme.

Il ne pouvait saisir entre ses bras le fantôme aérien de Spirite, mais ce fantôme représentait l’image de Lavinia avec une illusion de beauté suffisante pour égarer l’amour et lui faire oublier que cette forme adorable, aux yeux pleins de tendresse, à la bouche voluptueusement souriante, n’était, après tout, qu’une ombre et qu’un reflet.

Guy voyait devant lui, à toute heure de nuit et de jour, l’alma adorata, tantôt comme un pur idéal à travers la splendeur de Spirite, tantôt sous l’apparence plus humainement féminine de Lavinia. — Cette fois, elle planait au-dessus de sa tête avec le vol éblouissant d’un ange ; d’autres fois, comme une maîtresse en visite, elle semblait assise dans le grand fauteuil, allongée sur le divan, accoudée à la table ; elle paraissait