Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/241

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Jack, que l’idée de retourner en France sans son maître, dont on pourrait le croire l’assassin, troublait singulièrement, bien qu’il n’eût pas bougé de l’hôtel d’Angleterre, ne savait à quel saint se vouer, et plus que jamais il maudissait cette manie de voyage qui entraînait un homme bien mis dans des sites farouches où des voleurs en costume de carnaval les tiraient comme un lièvre.

Quelques jours après ces recherches, Stavros reparut à l’hôtel, mais dans quel état, grands dieux ! hâve, maigre, défait, l’air effaré et fou, comme un spectre qui sort du tombeau sans en avoir secoué la terre, Son costume riche et pittoresque, dont il tirait vanité et qui produisait un si bon effet sur les voyageurs épris de couleur locale, lui avait été enlevé et était remplacé par des guenilles sordides tout empreintes de la boue des bivouacs ; une peau de mouton graisseuse couvrait ses épaules, et nul n’aurait reconnu en lui le guide favori des touristes. Son retour inattendu fut signalé à la justice. Stavros fut provisoirement arrêté, car enfin, quoique bien connu dans Athènes et relativement honnête, il était parti avec un voyageur et revenait seul : circonstance que les juges méticuleux ne trouvent pas volontiers naturelle. Cependant Stavros parvint à démontrer son innocence. Son industrie de guide s’opposait logiquement à ce qu’il détruisît les