Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/170

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dans sa pose allanguie et frileuse ; la maladie donnait à ses yeux une sorte de douceur inaccoutumée et d’une expression navrante. Dépouillée de sa force, la lionne avait l’air d’implorer la pitié humaine ; nous avons plus d’une fois remarqué ce regard chez les animaux qui vont mourir. Il est éminemment tragique, et nul ne peut le voir sans en être ému. Dernièrement nous avons appris, par les journaux reproduisant une note de l’administration, que la pauvre lionne était morte.

Un jaguar a succombé aussi, mais n’a pas été vendu comme viande de boucherie. Le Jardin des Plantes tient à ses sujets, les soigne avec amour et n’en trafique pas.

Les deux tigres ne paraissaient pas avoir trop souffert, leur amaigrissement ne se distinguait pas sous leur magnifique robe fauve, zébrée de bandes en velours noir. Le premier enduisait une de ses pattes de salive et la passait sur son mufle pour se débarbouiller, avec ce mouvement de chat qui, dit-on, présage la pluie. Le second s’était jeté brusquement contre la grille avec un rauquement étranglé et s’y tenait debout, montrant le gouffre hérissé de crocs de sa gueule et