Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le poil soyeux de son ventre. Il avait peut-être aperçu parmi les spectateurs un morceau à sa convenance dont le séparait l’obstacle des barreaux, – quelque enfant aux bras de sa bonne. Qu’il était admirable dans cette pose, et avec quelle perfection la nature modèle et colorie ces grands félins, et comme elle prodigue la beauté à ces bêtes formidables !

Une visite à la fosse de l’ours Martin était de rigueur. Martin n’exécutait pas après l’arbre mort, planté au milieu de la cour, une de ces ascensions ayant pour but d’atteindre un pain de seigle jeté au bout d’une ficelle remontée à mesure, spectacle qui faisait autrefois les délices des invalides, des tourlourous et de leurs payses, et même de flâneurs philosophes. Il n’y avait personne pour regarder ses gentillesses. Plus d’ours grimpant, plus d’ours se dressant sur ses pattes de derrière, et savant dans ces arts d’agrément dont Atta-Troll, le héros du poëme de Henri Heine, était si fier ; mais seulement un jeune ourson occupé, faute de spectateurs, à se regarder lui-même, Narcisse velu, avec une amoureuse complaisance, dans une flaque d’eau épanchée par le trop-plein de l’auge. Il se contemplait à