Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/108

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Lord Durley.

Éclaircissez ce point, et je viens dans une heure,
Savoir de vous s’il faut que je vive ou je meure.

Georges.

Ne revenez, milord, ni ce soir, ni demain,
Car jamais, moi vivant, vous n’obtiendrez sa main.

Lord Durley.

Pourtant, si sa réponse à vos vœux est contraire ?

Georges.

Je la refuserais même alors à mon frère,
Si j’en possédais un qui d’elle fût épris,
Et verrais sans pitié ses larmes et ses cris.

Lord Durley.

Vous dépassez le Turc en fait de jalousie.
J’agirai.

Georges.

J’agirai.Voyez-vous, j’aime avec frénésie
D’un amour aujourd’hui plus grand encor qu’hier,
Vaste comme le ciel, profond comme la mer.
Ce n’est pas la banale et passagère ivresse
Qu’inspire à tout jeune homme une belle maîtresse !
Oh ! que non pas ! — mais bien l’ardente affection
Que le Créateur porte à sa création,
Le père à son enfant, l’auteur à son poème,
L’avare à son trésor, le dévot à Dieu même.
Vous parliez de mourir ! De mon espoir sevré,
Ce n’est pas vous milord, c’est moi qui me tuerai.

Lord Durley.

À la bonne heure ! Enfin vous voilà raisonnable.
Vous vous tuez, — très-bien, — c’est décent, convenable,
Original. — Alors, moi, j’essaye à mon tour,
Et si Lavinia repousse mon amour,
Je lui lègue mes biens et puis je m’intoxique
D’un verre d’eau sucrée à l’acide prussique.