Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/110

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Georges.

Rien ; c’est vrai. — Je me suis emporté sans raison.

Paul.

Eh bien, mariez-vous et faites un garçon ;
Je serai son parrain, nous vivrons en famille ;
Mais, à propos, qui donc est cette jeune fille,
Et comment se fait-il que tu sois son tuteur ?

Georges.

Un enfant à qui j’ai servi de bienfaiteur.

Paul.

C’est très-beau ! — Qui t’aurait, avant cette œuvre pie,
Soupçonné de morale et de philanthropie !

Georges.

Ma disparition, dont on a tant parlé,
Par là s’explique.

Paul.

Par là s’explique.Où diable étais-tu donc allé ?

Georges.

À ma terre d’Elcy. — Là, travaillant sans trêve
Sept ans, comme un sculpteur, j’ai modelé mon rêve.

Paul.

Pour te faire une femme en marbre ; — c’est bien dur,
Bien blanc, bien nu, bien froid et tout aussi peu sûr.
Comment ce beau projet te vint-il à la tête ?

Georges.

Tu venais de partir pour Vienne. — Une coquette
Avait à mon orgueil joué l’un de ces tours
Que d’avance on prévoit, mais qui blessent toujours.
J’étais seul. Cette vie, à soi-même pareille,
Où l’on fera demain ce qu’on a fait la veille,
Me fatiguait. — J’avais assez d’entendre, au son
Des pièces d’or, chanter la banale chanson,
Et mon spleen s’ennuyait de demander asile
Au temple hospitalier de la Vénus facile.