Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/114

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L’enfant, d’être en voiture étonnée et joyeuse,
Riait, passait ses doigts sur l’étoffe soyeuse
Et m’amusait avec son babil enfantin
Et son charmant petit patois napolitain.
Son père était pêcheur, et sa mère était morte ;
Elle, pour travailler trop jeune ou trop peu forte,
Tendait sur les chemins des bouquets aux passants ;
Lavinia — c’était son nom — avait dix ans :
J’aurais pu la descendre au milieu de la route,
Lui mettant dans la main un louis, que sans doute
Son père eût dépensé le soir au cabaret ;
Mais je sentais pour elle un plus vif intérêt,
Car sa misère avait coudoyé ma richesse,
Dans ma calèche assise en fille de duchesse,
Et je ne voulais pas rendre à la pauvreté
L’ange par le hasard entre mes bras jeté.
Le pêcheur me céda ses droits pour une somme ;
J’emmenai la petite en France, et le cher homme,
Accoutumé d’enfance à l’inanition,
Creva bientôt après d’une indigestion.

Paul.

Que le macaroni lui soit léger ! — Ensuite !

Georges.

À ma terre d’Elcy, Lavinia conduite
Fut confiée aux soins de Lucy Caméron.
Lorsque je l’allais voir, vite, sur le perron,
Sitôt que de ma chaise elle entendait les roues,
Elle accourait, m’offrant les roses de ses joues,
Comme à Naples jadis elle m’offrait ses fleurs.
Au teint de bistre avaient succédé des couleurs ;
Les mains brunes étaient des mains patriciennes
Que veinait le sang bleu des familles anciennes,
Ou mieux le pur sang grec qui coule à Procida…
La soirée aux Français de mon sort décida :