Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/123

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Ni, poussée au jardin par de brusques élans,
Quitté, pendant la nuit, la couche où tu reposes,
Pour dire ton secret à l’oreille des roses ?

Lavinia.

Je dors jusqu’au matin sans déranger les fleurs,
Puis je m’éveille aux cris des oiseaux querelleurs
Qui dans l’arbre voisin font un joyeux tapage ;
Et ma vie, en riant, tourne encor une page,
Une page où se lit un seul nom…

Georges.

Une page où se lit un seul nom…Et lequel ?

Lavinia.

Le tien.

Georges.

Le tien.Vraiment ?

Lavinia.

Le tien. Vraiment ?Mais oui. N’est-ce pas naturel ?
Pour moi n’es-tu pas tout, et famille et patrie !
Que suis-je ? À ton caprice une forme pétrie,
Que tu douas d’une âme et que, bon comme Dieu,
Tu mis dans un charmant et splendide milieu,
Lui livrant ton Éden en toute confiance,
Sans excepter le fruit de l’arbre de science.
Mais Ève n’a pas pris la pomme et s’en repent.
Elle eût dû, sur l’amour, consulter le serpent ?
Cher Georges, si mon cœur quelque jour prenait flamme,
Je ne confesserais mon âme qu’à ton âme !

Georges.

Qui croirait que l’amour t’intéresse si peu,
Fille d’un sol de lave et d’un climat de feu ?

Lavinia.

Oh ! maintenant je suis une Parisienne.
Je n’ai plus cette nuque aux tons terre de Sienne,
Ces maigres bras brûlés par un âcre soleil,