Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/180

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Le Docteur.
De cette affection je connais le remède.
Tarissez ce flacon, qu’à prix d’or je vous cède,
Pour elle votre amour se trouvera guéri
Comme si vous fussiez devenu son mari.

Arlequin.
Je n’en crois pas un mot. Cette liqueur vermeille
Qui rit dans le cristal à travers la bouteille,
Qu’est-ce ?

Le Docteur.
Qu’est-ce ?C’est l’élixir de longue vie.

Arlequin.
Qu’est-ce ? C’est l’élixir de longue vie. Eh bien,
Puisque je veux mourir, cela ne me vaut rien.

Le Docteur.
Bon ! tuez-vous d’abord, et dites qu’on infiltre,
Vous mort, entre vos dents, trois gouttes de mon philtre,
Plus dispos que jamais vous ressusciterez.
En revenant au jour quel effet vous ferez !
Par ce trépas galant Colombine attendrie
Vous tend sa blanche main, avec vous se marie,
Et vous avez bientôt, heureux et triomphants,
Comme aux contes de fée, une masse d’enfants !

Arlequin.
Grand merci ! si la drogue allait être éventée ?
Mais, docteur, dites-moi, par qui fut inventée
Cette rare liqueur, dont les philtres si forts
Conservent les vivants, rendent la vie aux morts ?

Le Docteur.
Chez nous, de père en fils, on en sait la recette ;
Et depuis cinq cents ans nous la tenons secrète.

Arlequin.
Vos grands parents alors ont dû vivre bien vieux ?
Sans doute vous avez encor tous vos aïeux ?