Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/181

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Le Docteur.
Nous ne pourrions jamais hériter, de la sorte !
Et, comme de la vie il faut que chacun sorte,
Pour n’être pas contraints de nous assommer tous,
C’est chose convenue et réglée entre nous :
Aux vieillards, à cent ans, l’élixir se retranche,
Et, comme des fruits murs, ils tombent de la branche.

Arlequin.
C’est très joli…

Le Docteur.
C’est très joli… Prenez mon flacon…

Arlequin.
C’est très joli… Prenez mon flacon… Non vraiment !
Je préfère mourir en véritable amant,
Et je cours me tuer, au seuil de Colombine,
D’un coup de coutelas ou bien de carabine.

Le Docteur.
Et moi, je vais ailleurs chercher quelque nigaud
Qui veuille pour ma fiole échanger son magot.
–-–Le docteur rentre chez lui, Arlequin sort par la gauche.
––––À ce moment, Pierrot parait au fond du théâtre.



Scène 4



Pierrot, seul.


Pierrot.–––
Mouillez-vous, ô mes yeux ! et toi, lèvre attendrie,
Baise, sur le pavé, le sol de la patrie !
Aspirez, mes poumons, l’air du natal ruisseau !
Bonjour, Paris !… Salut, rue où fut mon berceau !…
Le cabaret encor rit et jase à son angle :
À ce cher souvenir l’émotion m’étrangle ;
Mon nez qui se dilate aspire avec douceur