Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/202

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Voyons. Si je prenais la corde ? non, vraiment.
Le chanvre ne va pas à mon tempérament…
Si je sautais d’un pont ? Non, l’eau froide m’enrhume…
Ou si je m’étouffais avec un lit de plume ?
Fi donc ! je suis trop blanc pour singer Othello…
Ainsi, ni le cordon, ni la plume, ni l’eau ;
L’arme à feu souvent rate et veut beaucoup d’adresse,
Si je m’asphyxiais par une odeur traîtresse ?…
Pouah ! tous ces trépas-là ne sont pas ragoûtants,
Bon, m’y voilà : j’ai lu dans un conte du temps
L’histoire d’un mari qui chatouilla sa femme
Et la fit, de la sorte, en riant rendre l’âme.
Cette mort me convient ; c’est propre, gai, gentil.
Allons, chatouillons-nous ; d’un mouvement subtil,
Que ma main, sur mes flancs en tous sens promenée,
Imite avec ses doigts les pas de l’araignée.
––Il se chatouille.
Ouf ! je ferais des sauts comme en font les cabris, ––
Si je ne m’empêchais… Continuons… je ris,
J’éclate ! maintenant, passons aux pieds. —Je pâme,
J’ai des fourmillements, je suis dans une flamme !
Hi ! hi ! l’univers s’ouvre à mes yeux éblouis…
Ho ! ho ! je n’en peux plus et je m’évanouis.



Scène 15



Pierrot, Colombine.


Colombine. –––
Quel est donc ce nigaud qui se pince pour rire ?

Pierrot.
C’est un mort qui se tue.

Colombine.
C’est un mort qui se tue.