Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/230

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais un éclair soudain brille à mes yeux surpris,
Le réel m’apparaît sous un angle plus juste :
Le marbre était César, — le vivant est Auguste ! —
Ta villa, Diomède, a dans ses murs étroits
Napoléon premier et Napoléon trois !
— Le temple est trop petit pour loger deux histoires,
Et j’entends au plafond les ailes des Victoires
Qui passent sur la fête avec leurs palmes d’or,
Battre et s enchevêtrer, en leur rapide essor :
Il en vient de Crimée, il en vient d’Italie,
Et déjà la maison en est toute remplie !

…Effacez-vous parois, disparaissez, ô murs !
— Mon regard voit au loin ondoyer les blés murs,
La vigne, des coteaux couvrir l’amphithéâtre,
Et les voiles blanchir sur l’Océan bleuâtre.
Les peuples librement échangent leurs trésors ;
De toutes parts, dans l’air, ainsi que des décors,
Montent subitement d’éternels édifices ;
Paris efface Rome, et, sous des cieux propices,
Plane dans les rayons, l’azur et la clarté,
L’oiseau de Jupiter, l’aigle ressuscité !

Évanouissez-vous, sublimes perspectives,
Votre éclat éblouit mes paupières craintives.

Si j’osais, du génie allant à la beauté,
Contempler dans sa gloire et dans sa majesté
Celle dont brille ici la grâce souveraine,
Et qui sans la couronne, encor serait la reine !

Non, non ; c’est trop d’audace et je baisse les yeux !
Car le mortel s’aveugle à regarder les dieux !