Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/273

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nouveau. Encore quelques secondes, et Albert va périr de lassitude et d’épuisement, lorsque le jour commence à paraître… Les premiers rayons du soleil éclairent les ondes argentées du lac.

La ronde fantastique et tumultueuse des Wilis se ralentit à mesure que la nuit se dissipe.

Giselle semble renaître à l’espoir en voyant s’évanouir le prestige terrible qui entraînait Albert à sa perte.

Peu à peu, et sous les vifs rayons du soleil, la troupe entière des Wilis se courbe, s’affaisse, et tour à tour on les voit chanceler, s’éteindre et tomber sur la touffe de fleurs ou sur la tige qui les a vues naître, comme les fleurs de la nuit qui meurent aux approches du jour.

Pendant ce gracieux tableau, Giselle, subissant, comme ses légères sœurs, l’influence du jour, se laisse aller lentement dans les bras affaiblis d’Albert ; elle se rapproche de la tombe, comme entraînée vers elle par sa destinée.

Albert, devinant le sort qui menacé Giselle, l’emporte dans ses bras loin du tombeau, et la dépose sur un tertre au milieu d’une touffe de fleurs. Albert s’agenouille près d’elle, et lui donne un baiser, comme pour lui communiquer son âme et la rappeler à la vie.

Mais Giselle, lui montrant le soleil qui brille alors de tous ses feux, semble lui dire qu’elle doit obéir à son sort et le quitter pour jamais.

En ce moment des fanfares bruyantes retentissent au sein des bois.

Albert les écoute avec crainte, et Giselle avec une douce joie.