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SCÈNE II

Ommêyl, le marchand d’esclaves, vient proposer à Roucem de faire quelque acquisition pour le compte de son maître : il a justement une occasion charmante, quatre jolies femmes d’Europe capturées par un corsaire algérien, et qui ne sauraient manquer de flatter le goût délicat d’Achmet. Il y a une Française, une Allemande, une Espagnole, une Écossaise, toutes jeunes, toutes belles, toutes pleines de talents… Le sultan, le pacha, n’ont jamais rien eu de mieux dans leur harem. — Combien en veux-tu ? dit Roucem. — Très-cher, répond Ommêyl. — Le marché se conclut après une discussion animée et comique, dans laquelle Ommêyl tâche de faire valoir sa marchandise et Roucem de la déprécier.

SCÈNE III

Achmet paraît, appuyé languissamment sur l’épaule d’un esclave ; il a l’air perdu dans sa rêverie, et ne se mêle qu’à contre-cœur aux groupes et aux danses des odalisques. — Roucem, qui a voulu ménager à son maître une surprise agréable, fait sortir les nouvelles esclaves d’une tente formée par les odalisques, tenant des cachemires déployés. — L’Espagnole exécute un boléro, l’Allemande une valse, l’Écossaise une gigue, la Française un menuet. — Achmet, qui a paru d’abord prendre quelque plaisir à ces danses, retombe dans sa mélancolie. Achmet est un peu poëte : les voluptés terrestres ne lui suffisent plus ; il rêve des amours célestes, des unions avec les esprits élémentaires ; la réalité n’a plus d’attraits