Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/291

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des Péris est debout au milieu de sa cour prosternée. Une couronne d’étoiles brille sur son front ; des ailes nuancées d’or, d’azur et de pourpre, tremblent à ses épaules ; une gaze légère l’entoure d’un brouillard argenté. — Les Péris franchissent la limite qui sépare le monde idéal du monde réel, et descendent dans la chambre en voltigeant et en sautillant comme un essaim d’oiseaux lâchés. Elles passent toutes à côté du divan d’Achmet, qui semble toujours dormir profondément ; mais quand la reine des Péris vient s’incliner sur son front, il tressaille. Son cœur l’a reconnue : c’est elle qu’il rêvait. Il se lève et la suit dans le tourbillon capricieux de sa danse. Achmet cherche en vain à la saisir, elle lui échappe toujours, ou s’ils se réunissent, ce n’est que pour un instant, car la légèreté de la Péri ne lui permet pas de rester un instant en place. Elle voudrait attirer Achmet dans l’oasis fantastique qui rayonne au fond du théâtre, et comme Achmet, tout léger qu’il soit, n’a pas d’ailes et ne peut la suivre dans son royaume aérien, il faut qu’elle lui donne un talisman pour la faire descendre de l’étoile où elle demeure, lorsqu’il aura envie de la voir. — Usant de son pouvoir magique, la Péri ordonne aux fleurs des vases, placés sur des corniches, autour de la salle, de se détacher elles-mêmes de leurs tiges et de venir dans sa main composer un sélam ou bouquet mystérieux. Le bouquet achevé, la Péri ôte une étoile de sa couronne et la place au milieu des fleurs. — En baisant cette étoile, tu me feras apparaître. — Vraiment ? dit Achmet, qui doute encore. — Pour le convaincre, la Péri se cache un moment dans un grand vase de marbre, et quand Achmet porte le sélam à ses lèvres, elle jaillit subitement à ses yeux de l’autre côté de la salle, puis elle se retire après avoir jeté un tendre adieu au jeune homme étonné et ravi.