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Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/348

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comte de San-Severino hausse les épaules en souriant de ce caprice de jeune fille, changeant d’avis d’une minute à l’autre ; le peintre sent renaître sa jalousie, et ne sait que penser ; les invités s’écartent avec étonnement, et alors a lieu un pas magnétique entremêlé de valse, et dirigé par Santa-Croce, entièrement maître des mouvements et de la volonté de Gemma, qui le suit comme une ombre docile ; lorsque la danse se ralentit, il pose la main sur le cœur de la jeune fille et la ranime comme par enchantement ; cette danse animée et morte, amoureuse et endormie, a quelque chose de surnaturel et de magique qui frappe l’assemblée de stupeur et l’engourdit comme par un charme ; Santa-Croce dirige les pas de Gemma de manière à se rapprocher du fond de la salle, et l’entraîne peu à peu du côté de la terrasse ; deux ou trois poses enlevées ont fait franchir à Gemma le cercle des spectateurs ; commandée par un geste impérieux, elle s’éloigne de plus en plus. Déjà sur sa robe blanche, éclairée tout à l’heure par les lustres du bal, brille la lueur sulfureuse des éclairs, car pendant cette scène l’orage a envahi le ciel, et ajoute à la terreur superstitieuse qu’inspire le marquis de Santa-Croce, soupçonné de sorcellerie et d’intimité avec le diable ; les affidés du magnétiseur s’avancent et enlèvent Gemma, tandis que Santa-Croce contient l’assemblée d’un regard foudroyant et satanique. Massimo éperdu essaye de franchir le cercle d’épouvante dont s’entoure Santa-Croce ; mais celui-ci lui fait sauter l’épée des mains, descend à reculons l’escalier de la terrasse et disparaît. Giacomo le majordome se précipite sur ses pas.