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Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/350

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pour cacher l’amour qu’avait su inspirer ce Santa-Croce, à qui l’on témoignait publiquement tant d’aversion ; ce coup est trop fort pour le cœur et la tête de l’artiste. Sa raison se perd, et il s’élance hors de la salle avec tous les signes de l’égarement.

Le marquis, resté seul avec sa fiancée somnambulique, l’éveille, voulant juger de la mesure de son pouvoir. En se trouvant dans cette chambre inconnue en face de Santa-Croce, Gemma éprouve la plus vive terreur et ne peut concevoir comment elle a été transportée de la salle du bal de son château à ce repaire sinistre. Tout ce qu’elle comprend, c’est qu’elle est au pouvoir de Santa-Croce, et elle tremble comme la colombe devant le milan ; un désespoir mêlé d’épouvante la saisit lorsque son ravisseur lui montre le contrat de mariage signé Gemma. C’est donc le démon qui a conduit sa main, car elle ne se rappelle pas les actions qu’elle a faites sous l'influence magnétique, et reste frappée de stupeur à cette preuve accablante de l’amour que Santa-Croce prétend qu’elle a pour lui. — Le magnétiseur, sachant qu’il ne pourra pas garder toujours sa femme plongée dans le sommeil extatique, essaye de la passion humaine et des moyens de séduction ordinaires ; il se jette aux pieds de Gemma, lui couvre les mains de baisers et veut l’enlacer dans ses bras : la jeune fille se dérobe à ses étreintes, cherche à se sauver, mais les portes sont fermées soigneusement. Nulle chance de salut. — La lutte recommence, et Gemma arrache de la ceinture de Santa-Croce un poignard dont elle le menace, et que lui arrache Barbara la suivante gagnée par Santa-Croce. Une seule ressource reste à Gemma. Une fenêtre est ouverte, elle y court, et, saisissant la branche d’un arbre voisin, elle se précipite. Au bas de la muraille rôdait Giacomo, le fidèle majordome qui n’avait pu pénétrer dans le château. — Il recueille sa jeune maîtresse, et l’emporte au galop sur la croupe de son cheval.