Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Georges.

Officiellement forcé d’être volage,
Pauvre Paul, je te plains ; mais je voudrais savoir
Ce qui m’a procuré le plaisir de te voir,
Avec effraction, bris de vitre, escalade,
Menus détails qui font en panier à salade,
De Mazas au palais se promener les gens
Quand ils ont par hasard été vus des sergens.

Paul.

Je t’expliquerai tout. — Martyr diplomatique,
Pour ce poste malsain et trop transatlantique,
Je partis et mes pleurs tombaient au gouffre amer,
Du bord où me penchait un affreux mal de mer.
Casilda ! vainement j’évoquai ta pensée ;
Mon amour se noya pendant la traversée.
À ses serments encor mon faible cœur manqua,
Et bientôt je devins épris d’une Ourika.
— La Vénus de Milo copiée en ébène, —
Un astre aux rayons noirs !

Georges.

Un astre aux rayons noirs !Je remarque avec peine,
Paul, que ton idéal, blond primitivement,
En courant les chemins s’est halé diablement,
À l’Allemande rose, à l’Espagnole brune,
Succède une Africaine au teint couleur de prune !

Paul.

C’est le gouvernement qu’il en faut accuser.
Ce nœud un coup du sort vint encore le briser.
Une lettre me vint, de cent timbres salie,
Qui m’annonçait la mort d’un oncle… d’Australie,
Une variété d’oncle à succession,
Imaginée exprès pour ma damnation.
Je reconnus bien là mon guignon ordinaire ;
Mais le défunt était six fois millionnaire.