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Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/290

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plusieurs fois fait donner de l’éventail sur les doigts par une voisine peu sévère pourtant.

— Je vais le confesser, moi, » dit la blonde Rosette en prenant le vicomte par la main et en l’entraînant vers une riche paphos qui se contournait sur ses pieds rocaille, au fond de la salle, et offrait aux entretiens amoureux toutes les facilités désirables.

« Cher frère, il faut d’abord vous mettre à genoux, c’est l’attitude obligée au tribunal de la pénitence, dit Rosette avec un air de componction tout à fait édifiant.

— Je n’y dérogerai pas, répondit le vicomte, surtout lorsque le confesseur a l’œil si tendre et la voix si douce. »

Et il s’agenouilla devant Rosette, qui pencha sur lui sa tête charmante.

Quel remords vous agite, que vous portez de par le monde cette physionomie lugubre et pitoyable ?

« Quelle conquête avez-vous manquée ? à quelle innocence, à quel mari avez-vous fait grâce dans un moment de vertu ridicule ? car ce sont là des fautes dont on ne se console point.

— Je n’ai rien de ce genre à me reprocher. D’innocence, je n’en ai rencontré nulle part. Quant aux époux, ils sont trop Vulcains pour qu’on en ait pitié ; ma conscience est donc en règle de ce côté-là.

— Dès que vous n’avez pas commis de ces péchés-là, je vous absous, et il n’est pas nécessaire que vous restiez agenouillé ; prenez place à côté de moi, et baisez ma main pour toute pénitence. »

Candale se releva et posa galamment ses lèvres sur la main fine et potelée de Rosette.

« Alors expliquez-moi cette physionomie funèbre.

« Si ce n’est pas le remords qui l’assombrit, c’est le chagrin, et quel chagrin pouvez-vous avoir ? un amour malheureux ? Il ne doit pas y en avoir pour vous.

— Vous me flattez ; mais je n’ai point les conditions