Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/292

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mais vous n’avez pas la moindre flamme à mon endroit.

— C’était vrai tout à l’heure ; maintenant, peut-être, ce ne l’est plus, répondit Candale en se rapprochant de Rosette autant que le permettait le panier, et en saisissant sa main qu’elle abandonna sans résistance.

— Eh bien ! savez-vous le secret de Candale ? cria le marquis de Valnoir en s’avançant d’un pas mal assuré, que maintenait encore l’habitude de l’ivresse, vers le groupe qui s’était isolé pendant quelque temps du tumulte général de l’orgie.

— Oui, je le sais, répondit Rosette en se levant et sans retirer la main que tenait le vicomte ; il m’a confié ses malheurs, et je vous le ramène tout consolé.

— Peste ! quelle consolatrice ! il faudra lui confier la guérison des désespoirs, » grommela le marquis de Valnoir en reconduisant d’un air ironique le couple vers la table.

Le vicomte de Candale, s’il n’était pas guéri radicalement de sa tristesse, avait l’air à coup sûr beaucoup moins mélancolique ; son œil avait repris du brillant, et il répondit avec beaucoup de grâce et d’esprit à toutes les plaisanteries qu’on lui lançait des quatre coins de la table, et la Guimard avoua que les malfaisantes vapeurs qui offusquaient la gaieté du jeune gentilhomme étaient dissipées complètement, et qu’elle reconnaissait son Candale d’autrefois.

Une santé générale fut votée en l’honneur de Rosette, qui avait opéré ce miracle, et les verres furent vidés religieusement jusqu’à la dernière goutte, grâce à la vigilante police du marquis de Valnoir, qui mettait une solennité ponctuelle à ces sortes de libations, et ne permettait à personne d’être moins ivre que lui.

Au milieu de la bacchanale qui suivit cette santé, sans que personne prît garde à eux, tant chacun était