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Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/294

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« Si j’essayais de m’encanailler un peu et d’aller incognito à ce bal dont Bonnard m’a parlé, et où il doit se trouver quelques jolis minois de la bourgeoisie et du peuple, plus frais que tous ces museaux célèbres, lustrés de pommade et de fard, qui semblent s’être polis comme les idoles sous les baisers des dévots ! »

Rosette, à qui pareille aventure n’était jamais arrivée, s’abandonna toute rêveuse aux mains de ses femmes, qui l’accommodèrent, et se coucha dans une solitude dont elle paraissait étonnée et chagrine.

« Ah ! Candale ! Candale ! » murmura-t-elle en s’endormant.



V


Mme de Champrosé, que nous avons laissée en fiacre avec sa fidèle Justine, s’amusa fort des cahots du sapin qui vacillait sur ses ressorts fatigués, et pendant le trajet, qui dura longtemps, bien que le cocher, grassement payé, fouettât ses deux rossinantes avec toute la conscience imaginable, elle poussait de petits cris mêlés de rire chaque fois que la machine chancelante penchait d’un côté ou d’un autre, suivant les inégalités d’un pavé détestable, car monseigneur le lieutenant de police s’occupait beaucoup plus alors de chercher des histoires scandaleuses pour l’amusement du roi son maître, que de la commodité des citadins.

Enfin l’on arriva, car on finit toujours par là, même quand on est parti en fiacre.

Un petit Savoyard, porteur d’un falot, tendit galam-