Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/305

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feu d’artifice, le plus beau c’est la fin, le bouquet. »

Mme de Champrosé se rendit à de si bonnes raisons, et n’eut pas tort ; comme on le verra tout à l’heure.

Comme la vie est faite et que le train du monde est bizarre !

Si Mme de Champrosé avait quitté sa place un quart d’heure plus tôt, elle n’eût jamais été amoureuse.



VII


Les prévisions de Justine ne tardèrent pas à se justifier, et montrèrent toute la sagesse de cette femme de chambre modèle, que M. de Marivaux n’eût pas manqué d’introduire dans une de ses comédies, sous le nom de Lisette ; et Mme de Champrosé n’eut qu’à se louer d’avoir écouté le conseil de sa suivante.

Le bal était à peu près à la moitié d’un bal raisonnable, c’est-à-dire à deux heures du matin, et déjà l’on passait les rafraîchissements, consistant en cidre doux, vin de Suresnes et châtaignes grillées à la poêle, lorsqu’il se fit grand bruit à la porte, et un personnage, qui paraissait d’importance, opéra son entrée d’une façon superbe et triomphante : c’était l’intendant du marquis de***, qui, bon prince ce soir-là, ne dédaignait pas de venir se dérider un instant, et se reposer des soucis de la grandeur dans cette petite fête.

L’intendant, qui frisait la cinquantaine, avait une trogne vermeille sous sa petite perruque à boudins serrés, qui montrait que le culte de Bacchus possédait en lui un desservant plein de ferveur, en même temps que ses mollets nerveux, enfermés dans des bas chinés,