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Puis le fiacre qui les avait amenées vint les reprendre, et Mme  de Champrosé, rentrant dans son appartement par l’escalier dérobé, qui ne manquait jamais aux maisons, même les plus vertueuses, du dix-huitième siècle, se livra, sous le ciel armorié de son lit, à un sommeil que traversa plus d’une fois l’image de M. Jean.



IX


La belle dormeuse s’éveilla à midi passé, heure qui n’avait rien d’invraisemblable, et avant laquelle il était rare qu’elle sonnât jamais.

Pour tout le monde, excepté pour la fidèle Justine, elle avait bien réellement passé la nuit à l’hôtel, et qui que ce soit au monde ne pouvait soupçonner son équipée, à laquelle personne d’ailleurs n’avait le droit de trouver à redire, puisqu’elle était veuve et libre de ses actions ; mais il est si facile de faire ce que l’on veut en gardant les bienséances les plus étroites, qu’il n’y a que les maladroits qui s’ôtent volontairement ce vernis de bonne réputation toujours agréable et nécessaire.

La discrétion de Justine était assurée : la marquise possédait un secret que, pour tout au monde, sa femme de chambre n’eût voulu voir divulguer ; en outre, une rente assez considérable promise à Justine, au bout d’un certain nombre d’années, si l’on était content d’elle, répondait de sa fidélité.

Mme  de Champrosé ne risquait donc rien avec elle.

Les rideaux doubles et les volets rembourrés qui protégeaient ce temple du sommeil contre la lumière