Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/316

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et le bruit furent ouverts, et Phœbus, admis au petit lever de la marquise, vint lui faire sa cour et papillonner dans la ruelle.

Justine leva sa maîtresse un peu fatiguée ou plutôt allanguie de ses prouesses du bal, car Terpsychore, qui donne de si fortes courbatures aux hommes, n’a pu parvenir encore à lasser véritablement une femme, tant ce sexe charmant et léger est fait pour la danse.

Un bain était préparé ; Justine y plongea sa maîtresse, et si quelque indiscret se fût trouvé là, sans être couronné de bois de cerf et dévoré par les chiens, comme Actéon, il eût vu des appas bien plus parfaits que ceux de Diane, car il n’est point croyable qu’une déesse vraiment bien faite se fût gendarmée à ce point d’avoir été surprise nue ; il fallait qu’elle y perdît et ne se souciât point qu’on fît de ses charmes un détail qui ne leur eût point été favorable.

Ce n’était pas le cas de Mme  de Champrosé, de qui l’on pouvait dire que la parure ne lui ajoutait rien, et même qu’elle lui ôtait.

Quand le corps de Mme  de Champrosé se fut déroulé dans l’eau parfumée et tiède, une conversation s’établit entre la maîtresse et la suivante : on pense bien qu’il y fut question de M. Jean.

« N’as-tu pas remarqué, disait la marquise à Justine, combien ce jeune homme diffère des autres qui se trouvaient là, et ne trouves-tu pas qu’il a le meilleur air du monde ?

— Je suis de l’avis de madame, répondit la complaisante Justine ; ce garçon paye effectivement de mine.

— Il n’est point emprunté ni gauche dans ses manières.

— Oh ! pour cela, non ; il a les façons fort bonnes.

— Il s’exprime agréablement ; ses mots, pour être simples, n’en sont pas moins choisis.