Aller au contenu

Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Une couchette de bois ordinaire, peinte en gris et rechampie de blanc, se cachait à demi sous de pudiques rideaux de perse ; quelques chaises à pieds de biche, une bergère en velours d’Utrecht vert un peu passé, un peu miroité, mais sans tache ni déchirure, où l’on eût pu jurer que la grand’mère s’était assise pendant dix ans ; une commode en marqueterie à dessus de marbre, à tiroirs garnis de poignées de cuivre rocaille, une petite table bien luisante, bien cirée à faire honneur à la propreté d’une ménagère flamande, et sur laquelle étaient placés les planchettes, les écheveaux de fil, les pelotes d’épingles et les bobines qui servent à faire la dentelle, un trumeau garni de sa glace, car il faut bien à la fillette la plus modeste et la plus pauvre un bout de miroir pour se regarder, composaient un ameublement qui fit voir plus tard à Mme de Champrosé qu’il ne fallait pas de grandes dépenses pour loger le bonheur.

La fenêtre, car cette chambre avait été celle d’une véritable grisette, était entourée d’un cadre de pois de senteur, de liserons et de capucines, les uns en fleur, les autres en train de faire, en attendant mieux, grimper leurs feuilles découpées en cœur, et d’entortiller leurs vrilles après les ficelles tendues par une main prévoyante.

Cette fenêtre donnait sur les jardins d’un vaste hôtel du voisinage, et, par cet accident heureux, la fenêtre de Jeannette échappait à ces horizons de Paris composés d’angles de toits, de tuyaux de cheminées, de grands murs maussades délavés par la pluie, et qui ne sont pas faits à souhait pour le plaisir des yeux.

Les cimes des marronniers, panachés de fleurs, ondoyaient, et le zéphyr en apportait l’amer parfum sur le bout de son aile.

L’examen du logis achevé, l’on procéda à la toilette qui fut faite en un tour de main : il ne s’agissait que