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Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/325

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Justine avec un légitime sentiment d’orgueil ; tout ce que madame porte ne vaut pas trente livres.

— Mais aussi, c’est Justine qui m’a habillée, répondit Mme de Champrosé, rendant le compliment à sa camériste.

« Mais il est plus de trois heures. Donne-moi ce petit carton, et conduis-moi jusqu’à l’angle de la rue Saint-Martin, où tu m’abandonneras à mon sort. »



XI


Le travestissement achevé, Mme de Champrosé descendit l’escalier, suivie de sa fidèle camériste, qui la soutenait par le coude avec une sollicitude obséquieuse.

Cela sembla singulier à la marquise, de marcher elle-même dans la rue ; c’était la première fois qu’elle se trouvait en contact avec le pavé de Paris, si boueux, si inégal, si glissant, et pourtant si plein de charmes pour l’observateur et le moraliste, qui savent y glaner mille anecdotes bizarres ou philosophiques.

Elle voyait le peuple de plain-pied, elle qui, jusqu’alors, ne l’avait aperçu que du haut de son carrosse, et s’étonnait parmi beaucoup de figures tristes et hâves, sur lesquelles la misère ou le malheur avait laissé leur empreinte, d’en rencontrer plusieurs qui ne différaient pas beaucoup des visages ayant leurs grandes et petites entrées à Versailles.

Contrairement aux habitudes des grisettes qui trottent menu et se faufilent à travers les embarras, la marquise marchait avec une gaucherie adorable ; elle