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Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/335

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flatter la marquise, car ils la rendaient jolie aux yeux de M. Jean.

« Vous n’avez pas besoin de tout cela pour être belle, dit galamment le jeune phénix d’Auxerre après avoir admiré les richesses de Jeannette.

— Oh ! pas besoin ! cela est bon à dire ; mais vous ne ferez jamais croire à une jeune fille qu’un joli bonnet gâte une jolie figure, et qu’une robe neuve n’ajoute rien à une taille fine. »

M. Jean, se souvenant un peu trop du vicomte de Candale, avait sur le bout de la langue une réponse décolletée et mythologique qui eût été de mise chez la Guimard ou dans les coulisses de l’Opéra, mais qui ne convenait nullement dans la chaste mansarde d’une grisette honnête.

Aussi se borna-t-il à convenir que la parure embellissait la beauté, axiome que les femmes ont toujours trouvé raisonnable, et qui a été mis en lumière, un siècle plus tard, par un célèbre faiseur d’opéras-comiques.

Cette concession faite, il revint à son idée première et continua :

« Un fauteuil à oreilles, une commode à poignées de cuivre ne remplissent pas tout un cœur, surtout un cœur de dix-sept ans. Justine est une compagne agréable, mais être deux femmes ensemble, c’est être seule. N’avez-vous pas désiré d’avoir un ami ?

— Oh ! si, mais ma tante Ursule m’a dit que tous les hommes étaient des enjôleurs et qu’il n’y avait pas d’amitié entre une jeune fille et un jeune homme.

— D’amitié, non ; mais de l’amour.

— L’amour est un péché.

— Le plus charmant péché du monde et celui qui se pardonne le plus facilement dans le ciel, dit M. Jean en attirant à lui Mlle Jeannette, qui le repoussa d’un « laissez-moi » si faiblement accentué, qu’il n’en fit