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Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/353

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Le cheval percheron, attelé à la carriole, ramena d’un joli petit train la marquise et la soubrette à la barrière Saint-Denis, où les malles furent emballées dans un fiacre, et bientôt les deux femmes se trouvèrent dans le petit logis dont M. Jean, quoiqu’il n’en eût pas l’adresse par écrit, et qu’il n’y fût venu que le soir, sut parfaitement retrouver le chemin.



XVI


On voit dans certains contes indiens des personnages soit dieux, soit génies, ou tout simplement magiciens, qui ont la facilité de changer de corps et d’existence sans changer d’âme pour cela.

Grâce à l’industrie de Justine, qui avait su mettre le caprice de sa maîtresse en action, Mme de Champrosé, sans talisman, sans paroles de grimoire, se trouvait dans la situation de ces personnages fabuleux.

La transformation, ou, si vous l’aimez mieux, la métamorphose était complète. Rien dans ce réduit ne rappelait à Jeannette la marquise de Champrosé. C’était une existence toute nouvelle.

Il arrive souvent qu’on se déplace dans les conditions même les mieux réglées, mais l’on emporte toujours quelque chose de soi dans la situation qu’on traverse, ne fût-ce que le vêtement, ne fût-ce que le nom ; ici, tout était différent, et Mme de Champrosé ne savait plus au juste si elle était marquise ou grisette.

Un rendez-vous avait été pris pour le dimanche. M. Jean, vous le pensez bien, n’eut garde d’y manquer.

Comme c’était jour de fête, le jeune protégé de