Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/366

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qu’il eût oublié le premier, cela blessait ses principes de valet de don Juan qui avait eu l’honneur d’appartenir à M. de Richelieu et de travailler avec M. Lebel, ministre des plaisirs de Sa Majesté ; aussi prit-il sur lui d’écrire à M. le vicomte ce qui se passait. Voici la missive du vénérable serviteur.

« Monsieur le vicomte,

« J’ai toujours rempli avec beaucoup de zèle la place que monsieur a daigné me confier, et je crois m’en être montré digne. Sans vouloir en rien préjuger des intentions de monsieur, qui est bien le maître de faire ce qu’il lui plaît, je pense qu’il est de mon devoir de l’avertir qu’il est venu deux fois à sa petite maison, dont j’ai la garde et la direction, une fort belle dame en grand équipage, point masquée ni cachée, et qui m’a paru être de l’Opéra. Elle semblait avoir un grand désir de voir monsieur.

« Il se peut qu’entre tant d’affaires que monsieur a sur les bras, comme de princesses, de duchesses, marquises, baronnes, présidentes et autres, il ait oublié celle-ci. Je sais que ce ne sera pas pour monsieur un bien grand triomphe, vu qu’il a tout ce qu’il y a de plus huppé ; mais, outre que cette dame est très bien de sa personne, elle en tient véritablement pour monsieur et s’en va le cœur bien gros. Nous qui voyons passer beaucoup d’amours, nous nous y connaissons ; c’est du véritable, et j’en préviens monsieur pour qu’il en fasse comme il lui conviendra.

« Roux, dit Hector, valet de cœur et
grison de M. le vicomte. »

Cette lettre parvint à Candale qui reconnut tout de suite Rosette à ce portrait, et se promit d’aller chez elle ; mais l’homme propose et l’amour dispose, et