Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/368

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— Alors la situation n’est pas désespérée ; car il n’est pas barbare outre mesure, et, l’autre soir, à mon souper, vous paraissiez du dernier mieux.

— Oui, je le croyais assez tendre à mon endroit ; mais depuis ce souper, je n’ai pu le revoir.

— Il n’est cependant pas introuvable ; on ne voit que lui à Versailles, au Cours-la-Reine, au Palais-Royal, aux Tuileries, à l’Opéra, à la Comédie, au Concert spirituel.

— Eh bien ! depuis quelques jours, il a passé à l’état de chimère.

— Il est peut-être allé dans quelqu’une de ses terres, ou bien il suit le roi au voyage de Marly.

— Point ; je m’en suis informée auprès de Lafleur, son valet de pied ; il n’a point emmené ses équipages, et même il paraît de temps en temps chez lui, mais sans suite et fort irrégulièrement.

— Voilà qui est singulier !

— Que peut-il faire ?

— S’il avait une affaire réglée avec quelque grande dame, le mari ou l’amant supplanté nous l’aurait dit, car c’est chez nous qu’on vient chercher consolation de ces désastres.

— C’est vrai.

— S’il avait donné dans les lacs de quelque beauté de théâtre, elle l’aurait déjà crié sur les toits ; quand on est de l’espalier ou des chœurs, ou même premier sujet, on ne cache pas un vicomte de Candale.

— Alors, où a-t-il logé son cœur ?

— J’ai bien peur qu’il n’ait donné dans quelque amour bourgeois ou de robe au Marais ou à l’île Saint-Louis.

— Tu m’effrayes, chère Guimard.

— Sans cela, il ne serait pas naturel, ma pauvre Rosette, que toi, une des plus belles filles de l’Opéra, tu soupirasses en vain.