Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/376

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— Eh bien ! quand cela serait ! ne puis-je disposer de mon cœur à ma fantaisie.

— Et c’est M. Jean l’heureux mortel ! un petit provincial d’Auxerre, dont tout l’avenir est d’avoir douze cents livres aux gabelles… Joli parti !

— Très bon pour moi, qui n’ai rien. Mais de grâce, mon cher monsieur Rougeron, ne vous laissez pas aller à ce mauvais goût de draper un rival. »

Sans ajouter un mot, le droguiste anéanti se retira blême de colère et de jalousie, méditant quelque vengeance contre Jeannette ou contre Jean, ou même contre tous les deux, car rien n’est plus amer dans son ressentiment qu’un droguiste aigri.



XX


Nous avons laissé Rosette évanouie en apprenant cette déplorable nouvelle que M. le vicomte de Candale était préoccupé d’une grisette ; quand elle fut revenue de cette pâmoison, elle n’eut d’autre idée que de voir cette Jeannette, assez belle pour couper les roses sous le pied à une déesse d’Opéra et débaucher au sentiment un jeune seigneur qui, jusque-là, s’était contenté du plaisir.

Elle comprit, avec cet instinct de femme qui ne trompe jamais, que l’ouvrière en dentelles devait être un rare morceau pour séduire à ce point M. de Candale, qui était fort usagé et avait beaucoup de monde.

Ce qui l’alarma principalement, c’est que Mlle  Jeannette, quoique courtisée du vicomte, restait dans sa petite chambre, au lieu d’être transportée dans quelque