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Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/401

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Non, cher vicomte, Jeannette n’est pas plus jolie, et tu t’en convaincras bientôt. Seulement, tu fais ton devoir d’amoureux en trouvant ta maîtresse la plus belle du monde, — plus belle qu’elle-même.

Il n’y a que la foi qui sauve, et la foi de l’amoureux vaut la foi du charbonnier, c’est la bonne.



XXIV


L’on n’a pas oublié que le droguiste était sorti de chez Jeannette profondément blessé de voir son illustre alliance dédaignée par une petite créature, fort gentille, en vérité, mais qui n’avait pas un sou vaillant.

Il chercha à se venger de ce dédain, et comme il connaissait le courtaud de boutique, amant de Justine, à qui celle-ci avait eu la faiblesse de dire la vérité sur Jeannette, sous prétexte d’avoir des renseignements sur cette petite qui l’intéressait, il lui tira les vers du nez, et sut que la prétendue ouvrière en dentelles n’était autre que Mme la marquise de Champrosé, découverte dont il se promit de tirer bon parti.

En effet, il répandit le bruit que la marquise, à l’instar de beaucoup de dames haut placées, ennuyée des voluptés de la cour et des fades galanteries de courtisans éteints, attirait de jeunes hommes du peuple dans de petites tours de Nesle, où elle jouait différents personnages, pour avoir les bénéfices du plaisir sans en prendre la responsabilité.

Il ne borna pas là sa méchanceté, comme on va le voir ; mais l’étoile qui présidait à la destinée de Jean et Jeannette, qu’on nous permette de leur donner encore ce nom, était si décidément heureuse, que tout