Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/402

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ce qu’on imaginait pour leur nuire tournait à leur avantage.

Le jour où Candale vint chercher Jeannette pour signer le contrat, un commissionnaire ouvrit la porte et jeta une lettre sur la table.

Cette lettre était à l’adresse de M. Jean, et contenait ces mots :

« Monsieur Jean,

« Prenez garde à vous ! vous êtes tombé dans un piège ; vous avez sans doute entendu raconter des histoires de jeunes gens aimés par de grandes dames déguisées qui voulaient voir si les plaisirs du peuple valaient ceux de la cour, et si l’ivresse des cabarets étourdissait mieux que celle des petits soupers ; on vous a parlé de beaux garçons qui disparaissaient, soit dans les oubliettes d’une bastille, soit dans la cale d’un vaisseau partant pour les îles… Tremblez ! l’ouvrière en dentelles est une marquise, Jeannette est Mme de Champrosé. C’est vous dire assez le sort qui vous attend, lorsque le caprice de cette autre Mme d’Egmont sera passé. Si vous avez du courage, tâchez de vous venger d’avoir été joué de la sorte, et de la perdre comme elle le mérite ; si vous n’avez pas assez de cœur pour cela, et si vous avez mordu à ses amorces, ne vous en prenez qu’à vous de ce qui vous arrivera. Vous êtes averti !… »


Le vicomte de Candale, qui, ne pensant qu’à son bonheur, avait négligemment ouvert cette lettre écrite sur du papier à chandelles, fut on ne peut plus surpris de son contenu lorsqu’il y jeta les yeux.

« Que signifie cette étrange histoire ? s’écria-t-il la voix altérée.

— Ah ! Je vois ce que c’est, dit Jeannette en par-