Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/403

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courant l’épître le plus tranquillement du monde ; ma femme de chambre aura jasé.

— Votre femme de chambre ! quoi ! grands dieux ! serait-il vrai ! éclaircissez ce mystère ou je meurs !

— Jeannette a fini son rôle.

— C’en était donc un ?

— Monsieur Jean, il vous siérait mal de gronder Jeannette.

— Cette lettre dit donc vrai ?

— Très vrai.

— Madame la marquise de Champrosé !

— Monsieur le vicomte de Candale !

— Perfide !

— Trompeur !

— Ah ! comme vous m’avez joué !

— Et vous, sans Rosette, vous seriez toujours M. Jean.

— Si cette lettre n’avait pas tout découvert, vous auriez encore gardé le silence ?

— Ma signature au bas du contrat vous aurait tout à l’heure révélé mon secret. Allons, mon cher Candale, ne vous désolez pas.

Je ne suis qu’une marquise, c’est vrai, mais toutes les femmes n’ont pas le bonheur de venir au monde grisettes. Suis-je donc enlaidie depuis que je ne suis plus Jeannette ?

— Non, dit le vicomte en lui baisant la main avec feu.

— Et quand vous me rencontrerez sur l’escalier de Versailles, vous me reconnaîtrez et vous me saluerez.

— C’était donc vous ?

— Assurément.

— Au fait, il ne peut y avoir deux Jeannettes au monde.

— Flatteur !

— Quel singulier enchaînement de circonstances !

— C’est une sympathie secrète qui nous a guidés tous les deux ; mais n’allez pas croire que j’aie l’habitude