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VOYAGE EN ESPAGNE.

espagnols, et nous vîmes que ce hurlement était produit non par une bête, mais par un homme.

Jamais le cauchemar, posant son genou sur la poitrine d’un malade en délire, n’a produit un monstre plus abominable. Quasimodo est un Phébus à côté de cela. Un front carré, des yeux caves, étincelant d’un éclat sauvage, un nez si aplati que les trous des narines en marquaient seuls la place, une mâchoire inférieure plus avancée de deux pouces que la supérieure, voilà en deux mots le portrait de cet épouvantail, dont le profil formait une ligne concave comme ces croissants où l’on dessine la figure de la lune dans l’almanach de Liège. L’industrie de ce misérable était de n’avoir pas de nez et de contrefaire le chien, ce dont il s’acquittait à merveille ; car il était plus camard que la mort elle-même, et faisait plus de train à lui seul que tous les pensionnaires de la barrière du combat à l’heure du déjeuner.

Puerto Lapiche consiste en quelques masures plus qu’à demi ruinées, accroupies et juchées sur le penchant d’un coteau lézardé, éraillé, friable à force de sécheresse, et qui s’éboule en déchirures bizarres. C’est le comble de l’aridité et de la désolation. Tout est couleur de liège et de pierre ponce. Le feu du ciel semble avoir passé par là ; une poussière grise, fine comme du grès pilé, enfarine encore le tableau. Cette misère est d’autant plus navrante, que l’éclat d’un ciel implacable en fait ressortir toutes les pauvretés. La mélancolie nuageuse du Nord n’est rien à côté de la lumineuse tristesse des pays chauds.

En voyant d’aussi misérables cahutes, l’on se prend de pitié pour les voleurs obligés de vivre de maraude dans un pays où l’on ne trouverait pas de quoi faire cuire un œuf à la coque à dix lieues à la ronde. La ressource des diligences et des convois de galères est réellement insuffisante, et ces pauvres brigands qui croisent dans la Manche doivent se contenter souvent pour leur souper d’une poignée de ces glands doux qui faisaient les délices de Sancho Pança.