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VOYAGE EN ESPAGNE.

Baylen, célèbre par la capitulation désastreuse qui porte ce nom. Nous devions y passer la nuit, et, en attendant le souper, nous allâmes nous promener par la ville et aux environs avec la dame de Grenade et une jeune personne fort jolie qui allait prendre les bains de mer à Malaga en compagnie de son père et de sa mère ; car la réserve habituelle des Espagnols fait bien vite place à une honnête et cordiale familiarité, dès que l’on est sûr que vous n’êtes ni des commis-voyageurs, ni des danseurs de corde, ni des marchands de pommade.

L’église de Baylen, dont la construction ne remonte guère au-delà du seizième siècle, me surprit par sa couleur étrange. La pierre et le marbre, confits par le soleil d’Espagne, au lieu de noircir comme sous notre ciel humide, avaient pris des tons roux d’une chaleur et d’une vigueur extraordinaires, qui allaient jusqu’au safran et au pourpre, des tons de feuille de vigne à la fin de l’automne. À côté de l’église, au-dessus d’un petit mur doré des plus chauds reflets, un palmier, le premier que j’eusse jamais vu en pleine terre, s’épanouissait brusquement dans l’azur foncé du ciel. Ce palmier inattendu, révélation subite de l’Orient, au détour d’une rue, me fit un effet singulier. Je m’attendais à voir se profiler sur les lueurs du couchant le cou d’autruche des chameaux, et flotter le burnous blanc des Arabes en caravane.

Des ruines assez pittoresques d’anciennes fortifications offraient une tour assez bien conservée pour que l’on pût y monter en s’aidant des pieds et des mains et en profitant de la saillie des pierres. Nous fûmes récompensés de notre peine par une vue des plus magnifiques. La ville de Baylen, avec ses toits de tuiles, son église rouge et ses maisons blanches accroupies au pied de la tour comme un troupeau de chèvres, formait un admirable premier plan ; plus loin, les champs de blé ondoyaient en vagues d’or, et tout au fond, au-dessus de plusieurs rangs de montagnes, l’on voyait briller, comme une découpure d’argent, la