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dans des allées sablées, sur des parquets parfaitement tranquilles, et cela sans apprécier mon bonheur ! Aujourd’hui j’imiterais volontiers la naïveté de cette cantatrice italienne qui, malade du mal de mer, s’écriait au milieu de la Manche : — Descendez-moi, je ne veux pas aller plus loin.

Pour nous distraire de ces pensées maladives, regardons les yeux de notre voisine, qui est assise sur le pont, groupée dans son manteau de fourrure.

Ce sont de beaux yeux d’une teinte étrange, ni noirs ni bleus, ni gris ni fauves, mais d’un vert d’algue marine, des yeux orageux : Procellosi oculi. — Ce n’est peut-être pas un moyen d’éviter ce que je crains. — Dans ces prunelles transparentes et profondes, je reconnais les couleurs de l’océan. Il ne faut pas trop s’y mirer, le vertige pourrait vous prendre. Mon cœur se trouble… Que disais-je donc ? — Qu’Aphrodite, née du ciel et de l’écume de la mer, avait les prunelles de cette teinte, où l’azur des flots et l’or du soleil se fondent également, et