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venue au Musée, en me promenant dans la galerie de Rubens. La vue de ces belles femmes aux formes rebondies, ces beaux corps si pleins de santé, toutes ces montagnes de chair rose d’où tombent des torrents de chevelures dorées, m’avaient inspiré le désir de les confronter avec les types réels. De plus, l’héroïne de mon prochain roman devant être très-blonde, je faisais, comme on dit, d’une pierre deux coups. — Voilà donc les motifs qui ont poussé un honnête et naïf Parisien à faire une courte infidélité à son cher ruisseau de la rue Saint-Honoré. — Je n’allais pas, comme le père Enfantin, en Orient chercher la femme libre, j’allais au Nord chercher la femme blonde ; je n’ai pas beaucoup mieux réussi que le vénérable père Enfantin, ex-dieu, et maintenant ingénieur.

Vous savez avec quelle difficulté un Parisien s’arrache de Paris, et comme la plante humaine pousse de profondes racines à travers les fentes de son pavé. Je restai bien trois mois à me décider à ce voyage de quinze jours. Mon paquet fut fait et défait dix fois, et ma place retenue