Page:Gautier Parfait - La Juive de Constantine.djvu/29

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du moins ton pardon comme gage d’espérance pour l’avenir !

Nathan. Tout ce que Je puis faire, c’est de ne pas la maudire et de l’oublier…

Léa, qui a peu à peu repris ses sens. Mon père !…

Nathan s’arrête.

Maurice. Elle revient à elle !… Léa, Léa, parle-lui, puisqu’il ne veut pas m’entendre… Il est impossible qu’un père soit sourd à la voix de son enfant, qu’il reste insensible à ses larmes !…

Léa, tombant à genoux. Oh ! grâce ! Au nom du ciel, mon père, laissez échapper un mot de consolation… si je suis coupable Dieu me jugera ; mais, vous, dites que vous me pardonnez… c’est le cri de la nature ! (Mouvement de Nathan.) Oh ! je vous offense peut-être encore… je voudrais trouver des paroles pour vous fléchir… je ne puis… les sanglots étouffent ma voix… pitié ! pitié !

Nathan, à part. Seigneur, soutenez mon courage !

Maurice. Tu détournes les yeux… tu pleures !

Nathan. Non, non…

Maurice. Ne le cache pas, tu es ému ! Cesse d’écouter des préjugés barbares… obéis à ton cœur… Regarde, ta fille est là, éplorée, suppliante… ne te prive pas du bonheur de la serrer dans tes bras, souviens-toi que tu es père… Ce qui t’arrête, c’est la crainte de quelques fanatiques obscurs… eh bien ! quitte ce pays, viens en France avec nous ; chacun t’y accueillera comme un frère et Léa sera si heureuse que tu finiras par m’aimer !

Nathan, d’une voix brisée. Jamais ! jamais ! je ne te connais pas, et Léa n’existe plus pour moi… J’avais une fille de ce nom une belle et douce fille, la joie secrète de ma vieillesse… je l’ai perdue… perdue pour toujours… je ne la verrai plus dans ce monde ni dans l’autre !

Il va pour sortir.

Léa, le retenant. * Ah ! ce que vous allez faire est un crime qui appellerait le malheur sur vous et sur moi… vous ne le commettrez pas… je m’attache à Vous… écoutez… un mot encore, un seul !

Nathan. Ne me touchez pas… taisez-vous Voilà votre route, et voici la mienne ! Adieu !…

Il sort.

Léa, avec désespoir. Mon Dieu ! mon Dieu !




Scène VIII.


MAURICE, LÉA, puis BEN AÏSSA.

Maurice. Allons ! calme-toi, je t’en prie. Léa… sèche tes larmes, oublie cet homme impitoyable, ce père sans entrailles, qui n’écoute que sa haine et son orgueil ! en étouffant en lui tous les sentiments humains, il n’a pas même voulu que tu pusses le regretter. Console-toi ! je suis là… il te reste un bras pour te défendre, un cœur pour t’aimer.

Léa. Oh ! oui, oui, tu seras mon appui, mon refuge !

Maurice. Je serai ton époux… ta vie sera la mienne !… Dans cette France où je vais te conduire, tu perdras jusqu’au souvenir du passé… tu te feras chérir par u douceur, par tes vertus, admirer par ta beauté… oui, tu goûteras toutes les joies de la femme, tous les bonheurs de réponse ! — Oh ! mais hâtons-nous de quitter ce lieu funèbre… partons !

Léa, se tournant vers le tombeau. Ô ma mère ! ma mère ! du haut du ciel bénissez-nous tous deux !

Elle reste un instant comme en prière.

Ben Aïssa, reparaissant à droits et se traînant sur les mains. Que je souffre !… Chien de Juif, tu m’as cru mort, mais non, je vis — je vis pour me venger !… (Apercevant les deux jeunes gens.) Ah ! (Ramassant te poignard de Nathan.) Si je pouvais de ce poignard…

Il se relève et s’avance en chancelant vers Maurice et Léa.

Maurice, à Léa. Viens, viens…

Ben Aïssa, près de frapper Maurice. À moi ! du secours ! je meurs !… Il tombe au milieu du théâtre.

Maurice, allant à lui. Grand Dieu ! un homme qu’on vient d’assassiner ! Il se baisse pour le secourir.

Léa, reconnaissant Ben Aïssa. Ciel ! c’est lui !…

Maurice. Lui ! que veux-tu dire ?

Léa. Eh bien, tout à l’heure, quand tu t’es éloigné, cet homme est venu, qui m’a saisie dans ses bras… il voulait m’entraîner… À mes cris, mon père est accouru…

Maurice. Je comprends ; pour t’arracber de ses mains, Nathan l’aura frappé… — Mais on vient… silence !

Ben Aïssa Du secours ! du secours !




Scène IX.


LES MÊMES, UN OFFICIER DE SPAHIS suivi de son escouade.


L’officier. Quel est ce bruit ?… Qu’y a-t-il ? (Apercevant Ben Aïssa.) Un homme qui se meurt !…

Ben Aïssa, soulevé par les spahis. Oh !… vengeance, vengeance !

L’officier. Quel est ton meurtrier ? Parle, nous te ferons justice.