Page:Gauvreau - Au bord du Saint-Laurent, 1923.djvu/21

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tempête est forte ; le sud-ouest est violent à cette saison et la mer est furieuse, l’eau poudre comme de la neige. Qu’importe ! le Père l’a dit : « je réponds de ceux qui feront ce voyage. » Eh ! bien, en avant le canot. Quatre hommes y montent et prennent le large. À peine sortis de la baie de Tadoussac, qu’ils sentent l’eau s’apaiser sous leur canot et tandis que la tempête fait rage autour d’eux, une main invisible les pousse avec rapidité ; à onze heures, ils étaient en vue de l’Île aux Coudres.

M. Compain se promenait le long des Rochers, les attendant sans se lasser. D’aussi loin qu’il put leur parler, il leur cria : Le Père est mort, vous venez me chercher pour lui donner la sépulture ! Le canot approche du rivage, M. Compain y monte et le soir du même jour il débarquait à Tadoussac.

Le Père de La Brosse avait une telle réputation de sainteté que rien d’étonnant si les populations naïves de ces temps primitifs ont entouré sa mort d’événements légendaires qu’on raconte encore parmi les colons du bas Saint-Laurent, pour rendre les derniers devoirs au saint missionnaire.

On cite vingt témoins qui affirmèrent avoir entendu les cloches sonner à minuit le 11 avril 1782, et tous de s’écrier : « Notre bon Père La Brosse est mort ! Il nous avait bien dit au départ, que c’était sa dernière visite dans notre mission ! »

À l’Isle-Verte, on garde le souvenir du Père Clairmont, qui disait avoir entendu sonner la cloche de la chapelle de la mission, dans la nuit du 11 avril, alors qu’il descendait la Côte de la Montagne pour s’en retourner chez lui.

Après tout, Dieu a bien pu commander à l’Ange de la Mort de sonner le départ de cette âme d’élite qui remontait à lui, après avoir fait tant de bien dans sa vie. Elles ont bien pu, pour un jour, ces pauvres cloches de chapelles, avoir la propriété merveilleuse d’annoncer la mort d’un saint missionnaire. Cela ne répugne pas à la raison et ne peut que faire du bien aux cœurs croyants et bons.