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tir là, tout près de moi qui t’ai laissé partir une fois et qui ai tant souffert de cette longue absence. George, tu es devenu une moitié de mon âme, et sans toi c’est vivre à moitié, sans douceur, sans joie.

Quand l’heure du souper arriva Alexandrine ne put se décider à laisser George partir. Un pressentiment secret, qu’elle n’osait lui avouer, lui serrait le cœur comme dans un étau. Elle pleura, la pauvre enfant, près de George qui essuya ces larmes précieuses. Il s’arracha doucement de l’étreinte de la jeune fille, et l’encourageait à se remettre. Il lui promit, pour la consoler, de revenir la voir après la promenade qui devait être la moins longue possible. Puis il partit pour se rencontrer avec Mélas.

— Quelle belle journée, George ! N’est-ce pas que j’ai bien fait de t’inviter d’aller avec moi au bois, où nous jouirons des beautés de la nature tout en parlant de tes voyages ?

— Je me suis rendu avec plaisir à ta demande, Mélas. Je suis toujours heureux de te faire plaisir, et si cette promenade te plaît, elle ne m’est pas moins agréable, puisqu’elle va te prouver qu’en me séparant d’Alexandrine pour aller avec toi, je fais preuve d’amitié.

Ces paroles si chaudes, si convaincues, amenèrent une ride au front de Mélas. Mais ce ne fut qu’un éclair subit. Oh ! son cœur n’avait plus de côté qui fut susceptible d’être mordu par un bon sentiment. Assis sur un arbre renversé, les deux amis restèrent plongés dans une conversation dont George fit presqu’à lui seul tous les frais. Mélas avait des distractions que George remarqua bien, mais il n’osa lui en demander la cause ni la nature.