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croira ; et dans le silence des nuits, mille fantômes fantastiques hanteront sa pensée ; la chère enfant pleurera, se désolera pour une niaise parole dite inconsidérément. Vos paroles, comme un souffle mortel, brûleront son âme. Heureuse encore si ses jours ne deviennent pas pour elle un fardeau insupportable. Voyez-vous tout le mal que vous pouvez faire.

Le vieillard, devenu rêveur, n’était pas converti. Il se contenta de courber sa tête sale, sur sa poitrine vêtue.

Soupons, maman, voilà papa qui arrive.

Le souper fut bientôt terminé. Le père était gai, la mère toujours souriante. Alexandrine heureuse sans cause apparente.

Quel bel intérieur ! C’était autrefois cela ! Pourtant, pour le plus grand bonheur du peuple Canadien, il y en a encore de ces tableaux qui reposent le cœur, et la vue.

Après le repas, pendant le moment de repos qui suit alors, Alexandrine, poussée par cette soif ardente de connaître l’avenir, soif qui dévore surtout le cœur d’une jeune fille, vint trouver le vieillard blotti près de la cheminée, et lui demanda secrètement de lui dire ce qu’il pensait de ses jours à venir.

Je ne croirai pas ce que vous me direz, lui dit-elle, mi-sérieuse, mi-enjouée. Vous parlez ainsi pour vous donner de la contenance, je suppose. Oh ! les cœurs de vingt ans ! Votre cauchemar, c’est l’avenir ; le vieillard, c’est la tombe, il se console ; l’homme