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Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/26

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le mien aussi veut en finir.

— Ils sortiront contents tous les deux, dit Alexandrine, qui venait de penser aux paroles du vieux pauvre. J’ai bien hâte, moi. Je serai heureuse, car tous ensemble nous trouverons le moyen de tuer le temps. Ils seront fiers, eux aussi, d’avoir votre agréable compagnie ; excepté George qui a l’affreuse monomanie des voyages. Et Mélas, lui, Mme Vincent ?

— Lui, oh ! c’est pour rester avec nous. Le père se fait vieux, il va prendre le magasin en main. J’espère qu’il fera son chemin.

— Bonsoir, mesdames, reprend le vieux pauvre.

— Comment père, vous deviez rester à coucher ce me semble.

— C’est vrai, mais j’ai changé d’idée. Je fais encore un bout de chemin ; il fait si beau.

— Non, non. Nous voulons vous garder. Venez nous conter une histoire du bon vieux temps.

— Dam, une histoire c’est pas facile ; je suis vieux et je n’ai pas le talent de raconter.

— C’est à croire, un vieux tireur d’horoscope comme vous. Allons ! ne vous faites pas prier ; on vous écoute.

— Puisque vous le voulez, je m’y soumets.

Il y a de ça plusieurs années. C’était en 1774. Cette année vit une nouvelle ère pour le Canada par la proclamation de l’Acte de Québec. Les damnés Anglais avait peur des Américains, voyez-vous. La nécessité leur forçait la main. Cette année aussi vit Du Calvet arrêté à Montréal, conduit à Québec et fait prisonnier à bord d’un vaisseau. J’y étais moi, alors. Ce n’est pas mon histoire, ça. Voici :

Mon père, fort jeune dans le temps, habitait la seigneurie de l’Isle-Verte qui appartenait alors aux