Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/50

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fuses ; il ne voit qu’Alexandrine, dans tout ce qu’il pense, dit ou fait. C’est elle qui est là. Elle lui a parlé si tendrement, il souffre comme si elle lui avait enlevé, avec son départ, une partie de lui-même. Il aurait voulu lui dire qu’il l’aimait, mais toujours les mots brûlants expiraient sur ses lèvres. Comme il maudissait sa timidité en voyant que George allait peut être le devancer auprès d’Alexandrine. Il n’avait pas à en douter : Mélas comprenait que George, par ses regards et ses moindres gestes, avait au cœur ce que Mélas ressentait lui-même : une passion qui fait tant souffrir quand elle ne rencontre que froideur, indifférence ou mépris de son objet.

Pauvre Mélas ! voilà à peine deux heures qu’il a ressenti les premières atteintes de ce mal universel, que déjà il est à la torture. Hélas ! tu ne connais donc pas ce que c’est que d’aimer. Tu haïrais même cette femme de toute ton âme, qu’elle exciterait encore ta jalousie et te mettrait à la torture, en la voyant proférer un autre, si tu l’as aimée sincèrement.

Tout le monde semblait ignorer que des douleurs sourdes, mais aiguës, planaient au-dessus de la tête de certains êtres faisant à cette heure partie de la réunion intime. Néanmoins, il y eut de l’entrain et de la gaieté.

Mélas voyant un rival dans George, fit fortune contre bon cœur. Il sut être gai, amusant et instructif. Il avait une tête ce Mélas ! George plus timide, moins causeur, soupirait plutôt ses paroles méditées et calculées, qu’il ne parlait réellement.

Enfin, il était tard ; il fallait se séparer. Comme on se pressait déjà la main, M. le Notaire arriva