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mariée, il est clair qu’elle fait son devoir, à la façon des écoliers, pour la récompense qu’elle attend. Au collège, on veut gagner des exemptions ; en mariage, on espère un châle, un bijou. Donc, plus d’amour !

« Moi, ma chère (Mme Deschars est piquée), moi, je suis raisonnable. Deschars faisait de ces folies-là[1]… j’y ai mis bon ordre. Écoutez donc, ma petite : nous avons deux enfants, et j’avoue que cent ou deux cents francs sont une considération pour moi, mère de famille.

— Eh ! madame, dit Mme Fischtaminel, il vaut mieux que nos maris aillent en partie fine avec nous que…

— Deschars ?….. » dit brusquement Mme Deschars en se levant et saluant.

Le sieur Deschars (homme annulé par sa femme) n’entend pas alors la fin de cette phrase par laquelle il apprendrait qu’on peut manger son bien avec des femmes excentriques.

Caroline, flattée dans toutes ses vanités, se rue alors dans toutes les douceurs de l’orgueil et de la gourmandise, deux délicieux péchés capitaux. Adolphe regagne du terrain ; mais hélas ! (cette réflexion vaut un sermon du Petit Carême) le péché, comme toute volupté, contient son aiguillon. De même qu’un autocrate, le vice ne tient pas compte de mille délicieuses flatteries devant un seul pli de rose qui l’irrite. Avec lui, l’homme doit aller crescendo !… et toujours.

Axiome.

Le vice, le courtisan, le malheur et l’amour ne connaissent que le présent.

Au bout d’un temps difficile à déterminer, Caroline se regarde dans la glace, au dessert, et voit des rubis fleurissant sur ses pommettes et sur les ailes si pures de son nez. Elle est de mauvaise humeur au spectacle, et vous ne savez

  1. Mensonge à triple péché mortel (mensonge, orgueil, envie) que se permettent les dévotes, car Mme Deschars est une dévote atrabilaire ; elle ne manque pas un office à Saint-Roch, depuis qu’elle a quêté avec la reine. (Note de l’auteur.)